Projets en cours

AdaGram

Le Middle Belt nigérian demeure terra incognita pour la linguistique. Des dizaines de langues n’y sont pas ou guère documentées, des nouvelles langues sont toujours « découvertes » et la classification généalogique de plusieurs groupes de langues Niger-Congo parlées dans la région n’a pas été déterminée. Avec Dmitry Idiatov, j’ai commencé à étudier les langues aujourd’hui classées comme Adamawa, dans le cadre du projet AdaGram. Nous avons fait des progrès dans la documentation, l’analyse grammaticale et la reconstruction interne du bena-yungur [yun]. Nous sommes également en train de récolter des données primaires sur les langues étroitement apparentées mboi [moi] et roba [lla]. Grâce à des financements du programme Emergence(s) de la ville de Paris et du LabEx EFL, nous avons pu embaucher quatre doctorants qui travaillent chacun sur une langue Adamawa jusque-là non-décrite: Mirjam Möller sur le baa [kwb], Jakob Lesage sur le kam [kdx], Eveling Villa sur le nyesam [pbn] et Lora Litvinova sur le wam [kow]. En novembre 2020, Chika Ajede a commencé à travailler sur la langue bwilim [cfa], grâce à un contrat doctoral du CNRS.

Une des questions qui nous intéressent, est de savoir quels sont les liens généalogiques entre les différents sous-groupes des langues Adamawa, et à quelle(s) famille(s) linguistique(s) plus large(s) ces groupes appartiennent. Les arguments qui ont été émis en faveur d’un lien généalogique entre les langues du groupe bena-mboi et la famille Gur nous paraissent peu convaincants. Par contre, notre hypothèse de travail actuelle est que les langues bena-mboi appartiennent à la famille Benue-Congo.

Un autre groupe de langues sous-étudiées parlées dans la même région est le bantou jarawa. En 2019 nous avons commené à récolter des données lexicales et grammaticales sur la langue mbula [mbu], que nous sommes actuellement en train de traiter.

 

Syntaxe et morphologie diachronique

La comparaison du très grand nombre de langues bantoues à morphologie riche permet d’identifier les scénarios diachroniques qui ont donné lieu à la variation constructionnelle observée dans les langues contemporaines. Un tel scénario est le cycle BRA (Bantu Relative Agreement), qui explique les différents types d’indexation que l’on trouve sur le verbe des constructions relatives dans les langues bantoues, entre autres choses. Un autre scénario diachronique à grand potentiel explicatif est le mécanisme AMAR (Adnominal Modifier Apposition-Reintegration). Selon ce scénario, le grand nombre d’ordre de mots typologiquement exceptionnels, les multiples paradigmes de marques d’accord, les frontières prosodiques fortes et les multiples cas d’accord sémantique au sein des expressions nominales des langues bantoues découlent tous d’une tendance à nominaliser les modifiants du nom (souvent à l’aide d’un augment) et à les mettre en apposition du nom. Il existe également une tendance forte de réintégrer ces modifiants apposées dans un syntagme nominal plus intégral, donnant lieu à des structures typologiquement rares et extrêment variées.